Augmenter la saillance d’un élément important lors d’une tâche nécessitant du contrôle inhibiteur : effets sur la réussite et le temps de réponse

Auclair, A. (2022). Augmenter la saillance d’un élément important lors d’une tâche nécessitant du contrôle inhibiteur : effets sur la réussite et le temps de réponse (Thèse de doctorat), Université du Québec à Montréal, Canada. url: https://archipel.uqam.ca/16438/

RÉSUMÉ : Une multitude d’apprentissages scolaires sont difficiles parce qu’ils nécessitent le contrôle inhibiteur pour freiner des automatismes de la pensée menant à des erreurs (Houdé et Borst, 2014 ; Vosniadou et al., 2018). Si peu d’interventions existent pour aider les élèves à mieux réussir lors de tâches où le contrôle inhibiteur doit être mobilisé, une piste d’intervention qui semble pertinente est celle d’augmenter la saillance de la variable utile à la tâche dans le but de porter l’attention des élèves sur cette variable plutôt que sur l’automatisme menant à une erreur (Babai et al., 2016). Or, peu d’études ont testé cette stratégie d’intervention.

La présente étude l’a fait en utilisant la tâche de comparaison de nombres à deux chiffres comme contexte. Cette tâche, intimement liée à une compréhension formelle du concept de numération positionnelle, serait aussi soumise à l’effet de compatibilité. Il serait plus rapide de comparer des nombres de la condition compatible (ex. 23 vs 47 ; 4 > 2 et 7 > 3) que des nombres de la condition incompatible (ex. 27 vs 43 ; 4 >2, mais 3 < 7). Comparer les nombres de la condition incompatible nécessiterait d’inhiber un automatisme : celui de se fier à la valeur représentée par le chiffre, peu importe sa position dans le nombre.

Soixante-huit élèves de la deuxième année du primaire ont participé à l’étude et ont été répartis aléatoirement en deux groupes. Le groupe témoin a réalisé deux fois une tâche de comparaison de nombres à deux chiffres en ligne et hors classe à partir de la plateforme de collecte de données Gorilla.sc. Le groupe expérimental a réalisé ces deux mêmes tâches, à la différence que pour la première, la taille physique des chiffres des dizaines était plus grande que celle des chiffres des unités, augmentant ainsi la saillance de la variable pertinente à cette tâche, la valeur de position. Les temps de réponse et taux de réussite ont été collectés par la plateforme en ligne. Les hypothèses à l’étude étaient que, suite à l’intervention, (1) la différence au niveau du taux de réussite entre les comparaisons de la condition compatible et celles de la condition incompatible serait significativement moindre pour les élèves du groupe expérimental que pour ceux du groupe témoin ; (2) la différence au niveau du temps de réponse entre les comparaisons réussies de la condition compatible et celles de la condition incompatible serait significativement moindre pour les élèves du groupe expérimental que pour ceux du groupe témoin.

Les résultats montrent un effet significatif de l’intervention sur les temps de réponse lors de la première tâche : l’ANOVA révèle en effet une interaction significative entre le facteur GROUPE (expérimental vs témoin) et le facteur CONDITION (compatible vs incompatible). Plus spécifiquement, le groupe témoin se distingue du groupe expérimental en étant significativement plus lent pour comparer les nombres de la condition incompatible que ceux de la condition compatible. Pour la deuxième tâche, l’effet d’interaction n’est cependant plus significatif et aucune différence significative entre les deux groupes n’est observée. Par ailleurs, les résultats montrent également que l’intervention n’a pas d’effets significatifs sur les taux de réussite : les deux groupes ont significativement mieux réussi les comparaisons compatibles que celles incompatibles et ce, pour les deux tâches, mais aucune différence significative entre les deux groupes n’est observée.

En plus de reproduire les conclusions d’études antérieures montrant que les comparaisons incompatibles sont associées à un taux d’erreur plus élevé et à un temps de réponse plus long, les résultats de la présente étude suggèrent que la mise en saillance d’une variable pertinente à la tâche permet aux élèves de répondre aux comparaisons incompatibles et compatibles à une vitesse qui ne diffère pas significativement selon la condition, et donc de réduire l’effet de compatibilité lié aux temps de réponse. Malgré cette réduction, il semble que l’intervention ne favorise pas plus la réussite et la vitesse d’exécution de la tâche que la répétition de la même tâche. Une piste d’interprétation est que la stratégie de mise en saillance d’une variable pertinente est surtout efficace pour les tâches particulièrement difficiles et pour lesquelles les erreurs persistent même après répétition de la tâche. Différentes pistes pour de recherches futures sont présentées, notamment celles liées à une collecte de données en ligne et hors classe auprès d’élèves du primaire.